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Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1863.djvu/92

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lxxxiv

Il la résigna, n’en pouvant plus faire un instrument d’ordre et de justice. Mais c’est alors qu’il eut ce bonheur, de contracter une union fondée sur une estime et une affection mutuelles longtemps éprouvées. Dans le même temps, au milieu des circonstances les plus lugubres, il noua, avec Madame de Beaumont, cet attachement inviolable que la mort rompit bien vite, mais qu’elle seule du moins pouvait rompre. Il habitait Villeneuve-sur-Yonne, pays de sa femme ; il apprend que les agents de la terreur viennent, dans un château voisin, de s’emparer d’une famille suspecte, abandonnant seulement, comme une proie inutile, une jeune femme qui n’avait qu’un souffle de vie. Joubert court lui offrir des consolations et des secours, dans la chaumière où des paysans l’avaient recueillie. C’était cette femme dont le salon devait réunir un jour Fontanes, depuis longtemps l’ami de Joubert, Châteaubriand qui allait le devenir, Molé, Pasquier et Chênedollé. C’est là que devaient se redire, non sans attendrissement, les vers du poëte dont l’échafaud avait bu le sang l’avant-veille du 9 thermidor, et que des mains pieuses allaient soulever le voile qui recouvrait cette jeune gloire ; c’est là que l’auteur du génie du christianisme, l’enchanteur, disait-on, vint révéler toute la magie de son talent, d’ailleurs merveilleusement servi par de grandes circonstances.

Cette belle réunion présentait un groupe harmonieux d’esprits divers, et un ensemble de qualités qui se prê-