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éloge

moires sur sa vie, où il expose sans détour les diverses circonstances où il se trouva ; les obstacles qui l’arrêtèrent ; les hommes et les événemens par lesquels il fut secondé, et sur-tout la nature et la direction des efforts qui lui valurent tant de succès.

Ce n’était point, en effet, pour que son portrait fût flatté, qu’il a voulu être peint d’après lui-même ; et il ne cherchait qu’à servir encore ses semblables, par cette dernière attention.

Un exemple pareil avait déjà été donné par le grand Linnœus, qui envoya à Condorcet un détail exact de sa vie ; et, nous oserons le dire, il serait à souhaiter qu’il fût suivi par les hommes qui ont fait faire aux sciences des progrès remarquables. L’histoire de leurs idées, de leurs écarts même, et de leurs vaines tentatives, fournirait de précieux documens pour l’étude de l’esprit humain, et nos biographies rempliraient plus sûrement leur but qui n’est pas, comme on l’a dit quelquefois, d’ériger des monumens à la vanité, mais de montrer à ceux qui cultivent les sciences, les véritables routes de leur avancement, et d’enseigner aux autres combien elles méritent de reconnaissance et de respect.

Jacques Tenon était né à Scepeaux, près de Joigny, le 21 février 1724. Ses deux grands pères et son père avaient exercé la chirurgie dans ce village, mais ils n’y avaient pas trouvé la fortune, et le dernier regarda comme un avantage considérable de pouvoir s’établir à quelques lieues de là dans la petite ville de Courtenay.

Son existence y demeura toutefois bien chétive, et, pour surcroît de malaise, il eut à la partager avec onze enfans. Aussi Jacques Tenon, qui était l’aîné, dit-il que son principal maître fut la détresse de la maison paternelle. À 17 ans, il se hasarda de venir à Paris faire quelque étude de la profession qui avait été celle de sa famille. Sa mère, faute d’autres ressources, lui avait donné une lettre pour un de ses parens ; mais il était si timide