Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 12.djvu/10

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1794, laissant sa veuve dans une situation fort triste et chargée de cinq enfants, dont le dernier n’était âgé que de quatre ans et quelques mois. Cette femme respectable ne perdit cependant point courage ; occupée sans relâche de l’éducation de ses enfants, elle ouvrit d’abord, pour les soutenir, une boutique de modes, et tint ensuite une pension où logeaient les personnes que leur santé amenaient dans ce canton, renommé en Angleterre par un climat plus doux que le reste du royaume.

Le jeune Humphry, son aîné, déja en état de connaître sa position et les seuls moyens qui pouvaient l’y soustraire, profita avec ardeur du peu de sources d’instruction qu’offrait ce pays reculé, et quelques-uns de ses maîtres ont prétendu s’enorgueillir depuis d’un disciple si célèbre ; mais il a toujours dit que s’il a eu quelque chose d’original dans ses idées, il l’a dû précisément à ce que les personnes chargées de l’instruire ne s’en occupaient guère, et le laissaient, par indifférence, se livrer à toutes ses fantaisies. Plus d’un homme de génie, en se reportant sur ses premières années, a pu faire la même remarque ; et en effet, l’instruction générale, calculée pour le grand nombre, ne s’adapte pas aisément à ces têtes excentriques dont les premières pensées sont déja supérieures à celles de leurs camarades et souvent à celles de leurs maîtres. Les efforts pour les faire rentrer dans la voie commune ne serviraient qu’à contrarier leurs progrès. C’est un bonheur pour eux et pour le monde, qu’ils soient ainsi négligés. Davy donc, laissé à lui-même, chassait, pêchait, parcourait en tous sens ce pays pittoresque, essayant déja d’en chanter les beautés ; car dès l’enfance il était orateur et poète. Ses impressions se peignaient vivement dans ses