Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 12.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Deux pharmaciens l’employèrent successivement, mais sentirent si peu ce qu’il pouvait valoir, qu’étant tombé malade, l’Hôtel-Dieu (et l’Hôtel-Dieu de ce temps-là !) fut son seul asile ; et, lorsqu’après en être sorti il voulut chercher quelque nouvel emploi, sa pâleur et sa faiblesse le firent partout rebuter.

Sans ressources, sans savoir comment il vivrait le lendemain, il marchait au hasard le long de la rue Saint-Denis, pleurant à chaudes larmes et prêt à se livrer au désespoir ; enfin il tente encore un essai, et cette fois il rencontre quelque sensibilité. Un pharmacien nommé Cheradame (car il est juste de conserver le nom de celui à qui son humanité procura la bonne fortune de conserver un Vauquelin); M. Cheradame, dis-je, touché de sa triste position, le recueillit et le traita comme un homme doit être traité. Avec le courage renaquit son ardeur pour apprendre ; ce qu’autrefois il avait écrit dans ces cahiers déchirés par son maître de Rouen ne s’était point effacé de sa mémoire ; il y rattachait les phénomènes dont chaque jour son état le rendait témoin, et même, lorsqu’il trouvait quelques matériaux à sa disposition, il s’essayait à faire des expériences. On le surprenait quelquefois comme en extase devant des précipitations qu’il venait d’opérer : il était déja chimiste presque avant de savoir au juste ce que c’était que la chimie. Mais la chimie ne l’occupait pas seule ; il avait senti la nécessité de savoir le latin pour continuer ses études, et pour cet effet il imagina d’arracher les feuilles d’un vieux dictionnaire, et, dans la rue, lorsqu’il portait des remèdes ou faisait d’autres commissions, il en tenait toujours quelqu’une à la main, et s’opiniâtrait à la relire jusqu’à ce qu’il en eût appris tous les mots par cœur. Il suivait