Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 12.djvu/86

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montreront, en tout cas, par un nouvel exemple, combien la propriété des oeuvres de l’esprit est un sujet délicat. Lorsque trois des plus beaux génies du 18e siècle, déja parvenus au faîte de la gloire, n’ont pas pu s’accorder sur la part d’invention qui revenait à chacun d’eux dans une expérience faite en commun, devra-t-on s’étonner de voir naître de tels conflits entre des débutants ?

Malgré l’étendue de cette digression, je ne dois pas abandonner l’expérience qui l’a amenée sans avoir signalé toute son importance, sans avoir montré qu’elle est la base d’une branche très curieuse de la météorologie. Deux mots, au reste, me suffiront.

Lorsque le vase métallique isolé dans lequel l’eau s’évapore, devient électrique[1], c’est, dit Volta, que pour passer de l’état liquide à l’état aériforme, cette eau emprunte aux corps qu’elle touche, non-seulement de la chaleur, mais aussi de l’électricité. Le fluide électrique est donc une partie intégrante des grandes masses de vapeurs qui se forment journellement aux dépens des eaux de la mer, des lacs et des rivières. Ces vapeurs, en s’élevant, trouvent dans les hautes régions de l’atmosphère un froid qui les condense. Leur fluide électrique constituant s’y dégage, il s’y accumule, et la faible conductibilité de l’air empêche qu’il ne soit rendu à la terre, d’où il tire son origine, si ce n’est par la pluie, la neige, la grêle ou de violentes décharges.

  1. On sait aujourd’hui que l’expérience ne réussit pas quand on opère sur de l’eau distillée. Cette circonstance, certainement fort curieuse quant à la théorie de l’évaporation, n’atténue en rien l’importance météorologique du travail de Lavoisier, Volta et Laplace, puisque l’eau des mers, des lacs et des rivières n’est jamais parfaitement pure,