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Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 6.djvu/170

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chapper, sans avertir personne, de l’espèce de prison où il sentait que jamais son intelligence ne pourrait prendre d’essor. Il avait un grand-oncle qui, après avoir servi long-temps comme ingénieur sans obtenir d’avancement, et avoir tenté en vain plusieurs autres fortunes, s’était décidé à finir sa vie agitée en se faisant capucin. Plus heureux sous le froc que dans le monde, il était arrivé aux dignités de son ordre, car il n’est point d’association d’hommes, si humble qu’elle soit, qui n’ait des dignités et des appâts pour l’ambition ; il se trouvait le gardien des capucins de la ville de Caen, et supérieur de ceux de la province. Ce fut auprès de lui que le jeune Duhamel chercha un refuge.

Un tel homme ne pouvait être insensible à des maux que lui-même avait éprouvés, à cette inquiétude si ordinaire dans la jeunesse aux ames énergiques, tant qu’elles n’ont pas rencontré la vraie place que la nature leur assignait. Non seulement il recueillit son petit-neveu avec une affection paternelle ; mais, jugeant que ce qui pressait par-dessus tout, c’était d’appliquer son esprit, il se rappela pour le lui enseigner ce qu’il avait su autrefois de mathématiques. Comme ces ames de Platon qui se recherchent depuis qu’elles sont jetées dans l’univers réel, le jeune. clerc de procureur reconnut enfin la pâture qui lui convenait et la saisit avec avidité. Absorbé désormais dans sa retraite par cet unique objet d’étude, il fut bientôt un mathématicien plus habile que son oncle.

On juge bien qu’en le dirigeant ainsi, le bon gardien des capucins n’avait pas entendu condamner son neveu à embrasser le même état que lui. Il s’occupa au contraire à renouer ses liaisons avec d’anciens camarades. M. Peyronnet