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DE M. LE COMTE BERTHOLLET.

Remarquons encore ici qu’il n’a tenu à rien que M. Berthollet ne fût prévenu par le célèbre suédois Scheele, et que si cette vérité ne fut pas complétement énoncée par un si habile homme, ce furent aussi des idées théoriques qui l’en empêchèrent. Il avait dit positivement que toutes les fois qu’un corps attire le phlogistique de l’alcali volatil, ou, d’après le nouveau langage, toutes les fois qu’il lui enlève son hydrogène, il reste de l’air phlogistiqué, c’est-à-dire de l’azote ; et quelque bizarre qu’une proposition ainsi exprimée dût paraître dans la théorie du phlogistique, Bergman et Kirwan s’étaient bornés à la répéter sans autre réflexion. Dans les sciences, comme dans le monde, c’est souvent pour la plus légère cause que l’on manque la plus belle fortune.

Avec de pareils titres M. Berthollet ne pouvait manquer d’être appelé à ce congrès où l’on essaya de fixer pour la chimie une nomenclature qui représentât méthodiquement les faits qu’elle avait constatés. Comparé au langage extravagant que la chimie avait hérité de l’art hermétique, ce nouvel idiome fut un service réel rendu à la science, et contribua à accélérer l’adoption des nouvelles théories. On ne lui reprochera pas sans doute de n’avoir pu exprimer que ce que l’on savait quand on le créa, et d’avoir été sujet, encore plus promptement qu’aucune autre langue, à de grandes mutations ; ce sont des inconvénients communs aux langages les mieux fait. Mais on se demande pourquoi l’on y manqua, sur quelques points déjà bien connus, aux principes que l’on avait posés ; pourquoi l’on donna un nom simple à l’ammoniaque, pourquoi l’acide nitrique ne reçut pas le nom d’azotique ? Et l’on ne peut s’empêcher de voir encore ici un effet de la modestie de M. Berthollet et du peu d’insistance qu’il