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plus austère. C’est pourquoi Guillaume ne donnait point raison aux plaignants, mais alors par sa tendre bonté, ses paroles de père, doublant en quelque sorte sa charité par son extrême douceur, il consolait et fortifiait le cœur de ces jeunes novices. Bientôt il anima et soutint tous ceux qui sentaient leur courage abattu. En sorte que, en peu de temps, la communauté des novices, de chancelante qu’elle était, reprit courage et se raffermit pour remplir toute la sévérité de la règle.

Les religieux de Loc-Dieu ont été les premiers, dans cette partie du Bas-Rouergue, qui aient défriché des terres, établi des fermes-modèles et aient enseigné par leur exemple l’agriculture aux paysans. Ces moines n’étaient pas seulement des hommes de prière et de contemplation, ils étaient encore des ouvriers rudes à la peine et au travail des champs. Ils voulaient que leur terre suffît, non seulement à leur nourriture et à leur entretien, mais ils désiraient encore pouvoir secourir tant de pauvres malheureux qui chaque jour venaient demander du pain à la porte du monastère.

À cette époque (milieu du XIIe siècle), cette partie du Bas-Rouergue, qui forme à peu près aujourd’hui l’arrondissement de Villefranche en y comprenant le canton de Saint-Antonin[1], n’avait pour principales villes que Saint-Antonin, Najac et Peyrusse qui étaient considérées comme étant les clefs du pays.

Si on ajoute quelques châteaux bâtis çà et là sur des rochers et quelques villages perdus au milieu des bois, on aura une idée exacte du tableau que présentait le Bas-Rouergue à cette époque. Il fallait à l’abbé Guillaume et à ses moines cette force surnaturelle que donne une foi vive au Dieu vivant protecteur et rémunérateur de ceux qui le servent, pour oser attaquer cette sombre forêt couvrant le pays, la défricher et la convertir en champs fertiles.

Ce furent donc ces ouvriers courageux qui, par leur

  1. Le canton de Saint-Antonin fut distrait de l’arrondissement de Villefranche et rattaché à celui de Montauban par décret du 4 novembre 1808.