Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

l’influence de Madame l’emporta : cette princesse ne pouvait s’abaisser à caresser la favorite et la traitait toujours plus que froidement.

Madame de Choisy, sa dame d’atour, qu’elle avait mariée au vicomte d’Agoult et chez laquelle elle passait toutes ses soirées, ayant, au mépris de ses défenses, formé une liaison intime avec madame du Cayla, la princesse lui en témoigna son mécontentement et ne mit plus les pieds chez elle, quoique l’appartement qu’elle occupait fût contigu au sien. La reconnaissance de madame du Cayla se signala en faisant nommer le vicomte d’Agoult gouverneur de Saint-Cloud.

J’ai dit que le général de Lauriston était resté seul du ministère Richelieu. Il dut cette faveur à la mansuétude avec laquelle il payait les sommes énormes que la faiblesse du Roi répandait sur ses royales amours, sans jamais les trouver trop considérables. Cependant on désira sa place de ministre de la maison du Roi pour monsieur de Doudeauville, afin que Sosthène de La Rochefoucauld, chargé de la division des beaux-arts, ne relevât que de son père.

En conséquence, pour désintéresser monsieur de Lauriston, solder ses complaisances et acheter sa discrétion, on le nomma tout à la fois grand veneur et maréchal de France. Il avait beaucoup fait la guerre, comme tous les serviteurs de Napoléon, mais il n’avait aucune réputation militaire et cette élévation souleva des tempêtes.

Les patrons de Lauriston crurent les calmer en l’envoyant commander l’armée de réserve en Espagne. Lui, de son côté, voulut décorer son nouveau bâton de quelques lauriers. Il fit faire le siège de Pampelune, après la reddition de Cadix et la délivrance du roi d’Espagne, qui amenait nécessairement la chute de toutes les places sans coup férir. Quelques braves gens payèrent de leur