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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/113

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LE PAVILLON DE SAINT-OUEN

dévote du temps et qu’aucun de ses disciples n’aurait osé pénétrer dans un théâtre, hormis dans celui que madame du Cayla allait nous ouvrir.

Les meilleurs acteurs y jouèrent un joli vaudeville, puis une petite pièce de circonstance d’après laquelle il nous fut loisible de croire, si cela nous plaisait, que madame du Cayla n’était que la concierge sensible et dévouée du pavillon historique que ses soins avaient arraché à l’oubli, à la profanation de la bande noire, pour le conserver à la reconnaissance de la France, dont un bon nombre de couplets témoignèrent. Les applaudissements des spectateurs la confirmèrent, et madame du Cayla sortit de l’enceinte couverte de couronnes civiques et proclamée l’héroïne de la charte par un auditoire qui n’y tenait guère.

Je m’amusai bien à cette fête, fort belle et fort bien ordonnée, mais divertissante surtout par son côté bouffon. Tout le corps diplomatique s’y pressait sur les pas de la dame du lieu, aussi bien que les évêques et les mères de l’Église. Elle avait attaché un grand prix à les y faire venir. Toujours elle les avait soignés avec empressement, et chaque semaine un grand dîner réunissait les âmes pieuses à sa table. Une demi-heure avant celle fixée aux invités à la fête de Saint-Ouen, le Roi était venu en inspecter les apprêts. Les traces des roues de son lourd carrosse se voyaient dans les allées, très bien sablées d’ailleurs.

Madame du Cayla avait espéré la présence de Monsieur. Elle en avait laissé courir le bruit, assez complaisamment, au commencement de la matinée ; mais vers la fin elle se révoltait contre une idée aussi saugrenue. Le fait était que Monsieur avait hésité.

Monsieur de Villèle l’encourageait à soutenir madame du Cayla, dont il exploitait le crédit sur le Roi ; mais