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LES SOUS-OFFICIERS DE LA ROCHELLE

pas vingt-trois ans. Il se conduisirent de manière à augmenter l’intérêt, avec fermeté et sans jactance, et parurent poursuivis avec acharnement.

Je me rappelle très bien que le petit noyau d’hommes modérés qui m’entourait s’affligeait de cette procédure et désirait beaucoup que le Roi fît grâce à ces jeunes gens. Je crois me souvenir qu’une note fut remise à monsieur le duc d’Angoulême par monsieur Portal, qu’il entra fort dans ses sentiments mais lui dit qu’il s’était fait la loi de ne s’ingérer, en aucune façon, dans le gouvernement du Roi, qu’il gémissait souvent de ce qu’il voyait, que, toutes les fois qu’on lui demandait son opinion, il la donnait consciencieusement mais que jamais il ne prenait l’initiative : « L’opposition des princes est une trop grande calamité pour que le pays puisse en supporter deux », ajouta-t-il.

Puis, embarrassé lui-même de ce qui venait de lui échapper, il devint fort rouge : « Le Roi, reprit-il, doit être obéi respectueusement par tout le monde, et surtout par moi. Lorsqu’il veut bien me charger d’une mission, je la fais de mon mieux et dans ma conscience ; mais, lorsqu’il ne me consulte, ni ne m’emploie, je me tais et je vais à la chasse. »

Je n’affirme pas que ce soit à l’occasion des sous-officiers de la Rochelle que ces paroles ont été prononcées. Je crois même que c’est après le retour d’Espagne que monsieur Portal nous rapporta les avoir entendues, le jour même, de la bouche du prince. Cette sagesse lui attirait notre respect et justifiait les espérances que le pays fondait sur lui.

Les succès obtenus dans la Péninsule, en persuadant au parti ultra-royaliste que l’armée était à sa dévotion, excita sa violence. Il exigea de monsieur de Villèle les lois sur le sacrilège, sur le droit d’aînesse, et l’accom-