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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

tôt après dans toutes les provinces, un mouvement d’enthousiasme pour le nouveau souverain, et sa popularité était au comble le jour où il fit son entrée dans Paris, par une pluie battante qui ne réussit, ni à diminuer l’affluence des spectateurs, ni à calmer la chaleur de leurs acclamations.

Le Roi était à cheval, se laissant mouiller de la meilleure grâce du monde et ayant repris cette physionomie, ouverte et satisfaite, qui charmait le bourgeois de Paris en 1814. Le peuple, toujours avide de nouveauté et se prêtant volontiers aux espérances, accueillit avec satisfaction le nouveau règne. Toutes les méfiances accumulées depuis des années contre Monsieur, comte d’Artois, s’évanouirent, en un instant, devant quelques phrases prononcées par Charles X en honneur de la Charte constitutionnelle.

Il n’aurait tenu qu’à lui de faire fructifier ces heureuses dispositions. Il en jouissait parfaitement ; car l’instinct de Charles X est de rechercher la popularité. Il a le désir de plaire et, s’il a repoussé l’amour des peuples, ce n’est pas sans se faire quelque violence ; mais il y était entraîné par l’esprit de parti et de secte qui le dominait ainsi que ses conseillers.

J’aurais voulu me faire illusion en espérant que le poids de la couronne avait changé ses idées, mais je le connaissais trop bien pour oser m’en flatter.

Je me rappelle avoir eu, ces jours-là, une longue discussion avec Mathieu de Montmorency, monsieur de Rivière et quelques autres personnages de leur bord.

« Vous prétendez, leur disais-je, que la France ne sait pas ce qu’elle veut, qu’il n’y a pas d’opinion publique ? Hé bien, vous convenez que Monsieur était très impopulaire et qu’au contraire Charles x est très populaire. De là, vous établissez que la nation est aussi mobile qu’ex-