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ÉCHEC DE MONSIEUR DE CHATEAUBRIAND

fixé à la place où il avait prononcé des paroles si mal accueillies.

Voilà tous mes rapports avec ce prince ; mais le coup d’œil que j’ai surpris en cette occasion m’a rendu probables les récits de ces folles cruautés : certainement il y avait de l’aliénation dans ce regard.

Ces remarques sur la physionomie me reportent à l’état où je trouvai monsieur de Chateaubriand le lendemain du jour où les noms des nouveaux ministres parurent dans le Moniteur.

Il avait activement travaillé à renverser monsieur de Villèle et il croyait, en satisfaisant sa haine, paver simultanément le chemin qui le ramènerait à cet hôtel des affaires étrangères dont il avait été si brutalement expulsé et où il prétendait rentrer par droit de conquête.

Il pensait être indispensable à la formation d’un ministère constitutionnel. Dans les pourparlers qui avaient précédé la nomination, il s’était toujours placé comme président du conseil et ne discutait que les noms de ses collègues. Il avait choisi monsieur Royer-Collard pour l’intérieur. Cela pouvait être assez habile sous le point de vue parlementaire.

Monsieur Royer-Collard était aussi libéral que le pouvait être un royaliste. Il était de bonne foi dans ces deux sentiments, et cela lui avait valu une énorme majorité de suffrages dans sept collèges électoraux ; mais, sous le rapport gouvernemental, tout ce qui avait fréquenté monsieur Royer-Collard savait combien peu il était homme pratique et quels obstacles il apporterait dans un conseil. Charles x avait donc bien quelque raison de s’opposer à un choix qui cependant aurait été populaire.

Monsieur de Chateaubriand ayant dit que monsieur Royer-Collard lui paraissait indispensable, on feignit de comprendre qu’il n’entrerait pas sans lui dans