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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/21

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LA DUCHESSE DE RICHELIEU

sous le consulat de Bonaparte, il rapporta cette agréable image, et retrouva deux petites bossues qui ne cédaient guère à sa femme dans leur tournure hétéroclite. Toutefois, mieux aguerri, il ne prit pas la fuite.

Ce ne fut qu’après avoir vendu ses biens, payé les dettes de la succession et distribué sa part de l’héritage paternel à ses deux sœurs qu’il reprit le chemin de la Crimée où il s’occupait à fonder la ville d’Odessa.

La difficulté des communications, pendant la Révolution, avait tenu le duc de Richelieu dans la même ignorance sur la tournure de ses sœurs que la discrétion mal entendue de sa famille sur celle de sa femme. Il lui en était resté une sorte de répugnance instinctive pour les bossues.

Longtemps après, ayant été nommé tuteur de sa nièce, mademoiselle d’Hautefort, devenue baronne de Damas, et la trouvant aussi contrefaite, il ne put s’empêcher de s’écrier en serrant la main d’un homme de ses amis :

« Ah ! par Dieu, c’est, trop fort, je suis donc né pour être poursuivi, enguignonné de bossues ! »

Si le petit monstre de quinze ans, présenté à monsieur de Richelieu, lui avait inspirée une répugnance invincible, son propre aspect, en revanche, avait produit un effet bien différent. Son air noble, sa charmante figure avaient confirmé l’impression préparée par une correspondance tendre qui se poursuivait fort activement entre les deux jeunes époux.

Sous une enveloppe si hideuse, madame de Richelieu portait un esprit élevé et un cœur généreux. Elle ne s’occupa qu’à réconcilier les deux familles à la fuite intempestive de monsieur de Richelieu, offrit à celui-ci de l’assister dans toutes les tentatives pour faire casser son mariage et accepta comme une faveur le refus qu’il en