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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

fit. Avertie par la conduite de son mari des disgrâces personnelles que la tendresse de ses parents avait cherché à lui dissimuler, elle ne voulut pas s’exposer aux dédains du monde et à la pitié des indifférents. Elle se retira dès lors dans une belle terre (Courteilles), à vingt lieues de Paris, qu’elle a constamment habitée jusqu’à sa mort.

Quoique bien jeune encore au moment où la Révolution éclata, ses vertus lui avaient déjà acquis de l’influence ; elle l’employa à maintenir la tranquillité dans ses environs. Elle fut la providence de toute la famille Richelieu, et, loin de jamais témoigner du ressentiment au duc, elle a constamment employé les recherches les plus délicates à l’entourer des soins d’une amitié désintéressée, renfermant dans son sein tout ce qui pouvait sembler dicté par un sentiment plus vif.

Le duc de Richelieu, vaincu par des procédés si généreux et assez noble lui-même pour pardonner à une personne qu’il avait si grièvement offensée, allait quelquefois, depuis la Restauration, la voir au château de Courteilles où il était reçu avec une joie extrême.

Leur âge à tous deux aurait fini par rendre cette existence simple et facile ; je suis persuadée qu’au moment où la mort l’a enlevé, monsieur de Richelieu était près de s’établir à Courteilles. Quant à sa femme, rien ne l’aurait décidée à affronter le monde de Paris dont elle s’était retirée avant d’y être entrée.

Madame de Montcalm était l’aînée des deux sœurs du duc de Richelieu. Un très mauvais état de santé l’autorisait à ne point quitter une chaise longue, et l’espoir de dissimuler sa taille lui donnait la patience de se soumettre à cette sujétion. Elle montrait un beau visage, et le reste de sa personne était enveloppé de tant de garnitures, de châles, de couvre-pieds que sa difformité était presque entièrement cachée.