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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

— Ah ! bah, la session va finir, cela n’en valait pas la peine.

— C’est précisément parce que la session finit que le gouvernement du Roi ne pouvait pas rester sous le poids de toutes ces calomnies. »

Le Roi se prit à marcher vivement dans la chambre :

« Vous pouviez bien, au moins, vous dispenser de parler de ces ordonnances ?

— Monsieur de Villefranche avait pris l’initiative, Sire, et j’étais bien forcé d’expliquer une mesure qui est l’œuvre de Votre Majesté aussi bien que du conseil.

— Expliquer !… Expliquer !… D’abord, voyez-vous, monsieur de Martignac, ils ne vous le pardonneront jamais, tenez cela pour certain.

— Quoi ! Sire.

— Oh ! je m’entends… Bonjour, Martignac. »

Et le ministre ainsi congédié fut obligé de se retirer, sans vouloir comprendre que sa perte était jurée. Il ne fut pas longtemps à attendre son sort.

Pour faire contre-partie à cette anecdote que je tiens de monsieur de Martignac, voici ce qui m’a été raconté par monsieur de La Ferronnays. J’anticipe un peu sur les événements pour les mettre en regard.

Lorsque, sous le ministère Polignac, monsieur de La Ferronnays remplaça monsieur de Chateaubriand à Rome, il dit au Roi qu’il ne pouvait accepter cette ambassade si le projet était de rappeler les ordonnances de Juin. Elles avaient été faites sous son administration, discutées au conseil où il siégeait, elles portaient sa signature, et il ne pouvait se charger d’en annoncer le changement.

Le Roi entra dans une grande colère, demanda quel motif il avait de le croire capable d’une telle palinodie, affirma que les ordonnances de Juin étaient son ouvrage autant que celui du ministère, rappela qu’il les avait gar-