Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
SÉANCE ROYALE AU LOUVRE

quelques semaines après son mariage : « Ah ! mon ami, tu ne peux pas comprendre le bonheur d’avoir plus d’esprit que sa femme ! » Il est certain que la première madame de Duras ne l’avait pas accoutumé à cette jouissance.

Je me trouvais placée à côté de cette nouvelle épousée le jour où Charles X parlait en public pour la dernière fois. Je ne pus retenir un mouvement d’effroi lorsqu’il prononça les mots menaçants dont j’oublie le texte mais qui annonçaient la volonté de soutenir son ministère malgré les Chambres.

Madame de Duras me demanda ce que j’avais : « Hélas ! madame, n’entendez-vous pas le Roi déclarer la guerre au pays, et ce n’est pas pour le pays que je crains. »

Cinq minutes après, comme nous nous disposions à sortir, elle me dit : « Vous aurez mal compris ; le duc (elle appelait ainsi bourgeoisement son mari), le duc m’a dit ce matin qu’il avait lu le discours du Roi, qu’il était à merveille, allait terminer toutes les difficultés et faire taire tous les gens qui criaient contre le gouvernement.

— Tant mieux, madame. »

Je ne rapporte pas ce dialogue pour l’importance des paroles personnelles de mon interlocutrice, mais pour montrer quel était l’esprit de l’intérieur des Tuileries. Monsieur de Duras se trouvait en ce moment premier gentilhomme de la chambre de service, et sa femme habitait le palais avec lui. La confiance y était complète autant qu’aveugle.

Le roi Charles X était parfaitement gracieux dans un salon et tenait noblement sa Cour, mais il n’avait aucune dignité à la représentation publique. Son frère, Louis XVIII, malgré son étrange tournure, y réussissait mieux que lui.