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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

princes. Le Roi paraissait de bonne humeur, les napolitains étonnés, madame la Dauphine assez mécontente et je le conçois, madame la duchesse d’Orléans fâchée, Mademoiselle embarrassée, monsieur le duc d’Orléans satisfait. Cette satisfaction me déplut, je ne saurais trop dire pourquoi ; mais j’avais un sentiment de peur, de chagrin et hâte de m’en aller.

J’étais rentrée chez moi à dix heures ; ma mère me voyant arriver de si bonne heure craignit quelque accident. Je lui dis que j’aimais trop les Orléans pour avoir été contente de ma soirée et que, pour la première fois, je ne pouvais me défendre de croire des arrière-pensées à monsieur le duc d’Orléans.

Cette manière de remplir ses salons, fort au delà de ce qu’ils pouvaient contenir, de tous les gens les plus désagréables au Roi pendant qu’il était censé lui donner une fête, et, plus encore, cette illumination de tous les jardins, ce soin de les tenir tous grands ouverts à la multitude, dans un temps où l’impopularité du souverain n’était un secret pour personne, cette affectation à se présenter perpétuellement sur la terrasse pour faire crier : « Vive monsieur le duc d’Orléans », tout cela avait quelque chose de plus que populaire, de populacier, si j’ose le dire, qui me blessait d’autant plus que la circonstance le comportait moins.

Nul n’aurait pu trouver extraordinaire que monsieur le duc d’Orléans, recevant les rois de France et de Naples, s’occupât principalement de ses hôtes royaux. Il y avait donc une sorte de préoccupation politique à transformer cette fête pour des rois en une fête pour le peuple, et cette disposition me peinait.

Au reste, elle porta ses fruits. Cette nuit peut être considérée comme la première émeute de l’année 1830, si fertile en ce genre. La foule, admise sans aucune