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MORT DE MONSIEUR DE BOIGNE

surveillance dans les jardins et les galeries, finit par s’exalter, sous les conseils de quelques prédicateurs de désordre, et devint tellement turbulente qu’il fallut la faire expulser par la force armée.

Faut-il conclure de là, comme je l’avais exprimé dans ma mauvaise humeur, que monsieur le duc d’Orléans avait des arrière-pensées ? Oui et non. Je suis persuadée qu’il n’avait aucun plan de conspiration, mais il soignait ce qu’il appelait sa popularité, et il voulait toujours, selon l’expression de ce pauvre duc de Berry, faire pot à part.

Le lendemain de ce bal, une lettre de Chambéry m’apprit que monsieur de Boigne devenait de plus en plus souffrant et que ses médecins s’en inquiétaient. Je le connaissais trop bien pour hasarder à l’aller trouver sans sa permission. Je lui écrivis sur-le-champ pour demander, sans l’alarmer, à lui faire une visite. Il me fit répondre qu’il venait d’être assez souffrant pour être trop faible pour écrire lui-même, mais qu’il était beaucoup mieux, qu’aussitôt qu’il serait en état de supporter la voiture il se rendrait à des eaux qu’on lui conseillait dans la Tarentaise et qu’il me priait de remettre ma visite à son retour vers la fin de juillet.

Rassurée par cette lettre et celles qui suivirent, mais ne voulant pas aller dans le monde, je m’établis à la campagne dans le commencement de juin. Ce fut là que j’appris que monsieur de Boigne, qu’on disait en pleine convalescence, avait succombé le 21 à une nouvelle attaque d’une maladie dont il était atteint depuis bien des années. Cette dernière crise n’ayant duré que peu d’heures, on assurait qu’il avait été impossible de m’en prévenir. Je dus le croire. Cependant je regrettai de n’avoir pas insisté plus fortement pour me rendre à Chambéry au mois de mai, malgré sa résistance.