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BAL À L’ÉLYSÉE

Je me souviens qu’un soir, au Palais-Royal, me trouvant à côté de lui sur une banquette, dans le billard, il me témoigna son approbation des habitudes sociales des maîtres de la maison, et combien cela valait mieux que d’être toujours : Comme nous, entre nous comme des juifs, ce fut son expression.

Je lui représentai qu’il lui serait bien facile de mettre l’Élysée sur le même pied et qu’il aurait tout à gagner à se faire connaître davantage.

« Pas si facile que vous le croyez bien. Mon père le trouverait très bon et serait même aise d’en profiter, car, malgré tous ses scrupules religieux, il aime le monde ; mais je ne crois pas que cela convînt au Roi ; et je suis sûr que cela déplairait à mon frère et plus encore à ma belle-sœur. Elle n’entend pas qu’on s’amuse autrement qu’à sa façon : moult tristement… vous savez ?… » Et il se prit à rire.

Ce moult tristement est un terme que Froissard applique aux divertissements des anglais.

Après quelque long dîner de Londres, monsieur le duc de Berry s’écriait souvent :

« Ah ! que nous nous sommes bien divertis, moult tristement, selon l’us de leur pays. »

En outre des sévérités de madame la duchesse d’Angoulême, il y avait un obstacle principal qu’il n’exprimait pas mais qu’il voyait très bien : c’était la différence qui existait entre madame la duchesse de Berry et madame la duchesse d’Orléans. Toutefois, dans l’approbation du Prince il perçait beaucoup de jalousie contre le Palais-Royal. J’en eus une nouvelle preuve le jour de ce bal de l’Élysée où je retourne après cette longue digression.

La maladie du duc de Kent avait fait hésiter à le remettre, un léger mieux encouragea à le donner. Le télégraphe apporta la nouvelle de la mort le jour même