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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

où il devait avoir lieu. Je l’appris par monsieur le duc de Berry.

La file m’avait retardée. Je lui trouvai, dès en arrivant, l’air que je lui connaissais quand il était mécontent. Le bal était si beau, si brillant, si animé que je ne comprenais pas qu’il n’en fut pas satisfait. Il s’approcha de moi.

« Hé bien ! vous savez que le Palais-Royal ne vient pas ; ils ont envoyé leurs excuses.

— Vraiment, Monseigneur ?

— C’est fort déplacé. Le Roi avait décidé que la nouvelle de la mort du duc de Kent ne serait sue que demain ; et voilà qu’ils la répandent par leur absence qu’il faut bien expliquer… C’est pour me donner un tort. »

Je cherchai à l’apaiser et lui rappelai, ce qui était exact, que monsieur le duc d’Orléans était personnellement intimement lié avec le duc de Kent, qu’il devait être douloureusement affecté et que sa situation était toute différente de celle de monsieur le duc de Berry.

« Ah bah, reprit-il avec impatience, c’est toujours pour faire pot à part. »

Il y avait bien un peu de vrai dans cette boutade de mauvaise humeur.

Le bal fut magnifique et parfaitement ordonné. Le Prince en fit les honneurs avec bonhomie et obligeance, et le succès de cette fête, dont il s’était lui-même occupé, le dérida avant la fin de la soirée. Il dit, tout autour de lui, qu’il était enchanté qu’on s’amusât et que ces bals se renouvelleraient souvent. Hélas ! aveugles mortels que nous sommes, c’était pourtant le dernier !

Madame la duchesse d’Angoulême fit les honneurs avec un empressement et une gracieuseté que je ne lui avais jamais vus. Elle était polie, accorte, couverte de diamants, noblement mise et avait bien l’air d’une grande princesse.