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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

jours. On parlait de clous mal placés, le médecin dit aujourd’hui que c’est une entraxe (un anthrax) pour laquelle on sera obligé de recourir à une petite opération chirurgicale, et le départ est encore ajourné presqu’indéfiniment, au grand déplaisir du Roi. Autour de lui le sentiment est tout contraire et l’anxiété que cause son état de faiblesse, qui ne fait que s’accroître, s’augmente encore par la pensée de le voir dans cette situation quitter un lieu très digne, très convenable de tous points, où il est en repos et bien logé, pour s’aller mettre à l’auberge.

Je suis fort de cet avis et, pour mon compte, je regretterais Claremont si je pouvais regretter ou désirer quelque chose ; mais, en acceptant de venir passer quelque tems auprès de la Reine, je me suis promis de ne plus penser à moi et cet effort m’a été moins difficile que je ne croyais. Sa patience vraiment sainte est une grande leçon de résignation.

Quelle que soit la douleur dont on puisse être atteint, quelque profond que soit le malheur dont on se sente écrasé, en face d’elle on aurait honte de se plaindre.

Elle sait que je vous écris et elle me charge, Madame, de tous ses sentimens pour vous ; elle veut en même tems que je vous dise qu’elle regrette bien de ne pouvoir vous donner elle même de ses nouvelles et de celles du Roi aussi souvent qu’elle le voudroit, mais qu’elle compte sur votre attachement pour être sûre que vous comprener toutes les difficultés de sa vie ; et il est certain qu’en suivant l’emploi de toutes les minutes de chacune de ses journées on se demande comment en effet elle a le tems de vivre. Grâce au Ciel, sa santé est très bonne ; je ne l’ai jamais vue mieux. Mme la dsse d’Orléans est bien quoiqu’encore maigrie ; ses fils sont grandis et fortifiés.

Je retournerai en France probablement au commencement de septembre. Avant de rentrer dans mon triste manoir, où je passerai peut-être une partie de l’hyver, je m’arrêterai deux jours à Paris, et mon premier soin, Madame, si vous y êtes, sera d’aller vous donner, avec un peu plus de détails, de plus fraîches nouvelles des personnes et des lieux que j’aurai