Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

j’aie reçue de lui. Je ne reviens pas sur ces moments sans émotion. Avec de grands défauts, il avait des qualités très attachantes et, dans sa poitrine de prince, battait un cœur d’homme généreux.

Le samedi suivant, qui précédait le dimanche gras 13 février 1820, il y eut un bal costumé chez monsieur Greffulhe, riche banquier qui avait épousé mademoiselle du Luc de Vintimille et qu’on avait créé pair de France. La fête était très belle ; tout ce qu’il y avait de meilleure et de plus élégante compagnie à Paris s’y réunit.

Monsieur le duc et madame la duchesse de Berry l’honorèrent de leur présence. La princesse ne dansa pas ; mais, comme elle était vêtue en reine du moyen âge, avec un voile flottant et en velours chamarré de broderies d’or, on ne le remarqua pas.

On donnait, en ce temps, au théâtre de la porte Saint-Martin, une parodie de l’opéra des Danaïdes où l’acteur Potier, après avoir distribué de ces couteaux, dits eustaches, à ses filles pour tuer leur mari, ajoutait : « Allez, mes petits agneaux ». Ce mot, dit par Potier d’une façon inimitable, avait fait la fortune de la pièce, et tout Paris le connaissait.

Le duc de Fitzjames avait adopté le costume de Potier et, les poches pleines de couteaux, en donnait à toutes les jeunes femmes en y ajoutant quelques phrases appropriées à leur situation personnelle. Il s’adressa particulièrement à madame la duchesse de Berry ; ce fut sujet d’une longue plaisanterie sur l’endroit du cœur qu’il fallait frapper, et je vis madame la duchesse de Berry partir tenant encore ce couteau à la main. Hélas ! vingt-quatre heures ne s’étaient pas écoulées qu’un couteau plus formidable était enfoncé dans ce cœur qu’on lui conseillait de toucher.

Édouard de Fitzjames s’est souvent reproché ce badi-