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MORT DE NAPOLÉON ier

— Ah ! si fait ; j’ai visé votre passeport, vos chevaux sont commandés pour cinq heures du matin. Bon voyage, mon cher lord. Si vous teniez à avoir une escorte, elle serait à vos ordres à six heures, mais le pays est tranquille et je ne pense pas que ce soit nécessaire. Bonjour, mon cher lord, bon voyage. »

Lord Kinnaird partit en effet à cinq heures bien précises, sans attendre l’escorte que Bubna lui aurait infailliblement envoyée. Ce congé donné de cette façon, devant quarante personnes, avertit les complices qu’ils étaient découverts et qu’il fallait renoncer à une trame où la plupart des assistants étaient entrés.

Le général Bubna conseilla plus confidentiellement à quelques seigneurs de Lombardie, les plus compromis, une courte absence et surtout un voyage à Vienne. Ce ne fut qu’après sa mort que les complots se renouvelèrent et que des gouverneurs moins habiles eurent recours à des mesures plus acerbes.

Tandis que les passions révolutionnaires s’agitaient en Europe, la main puissante qui les avait domptées et fait servir à répandre son nom dans tout l’univers, cette main désarmée qui effrayait encore les nations cédait au plus terrible des vainqueurs.

Le 5 mai 1821, Napoléon Bonaparte exhalait son dernier soupir sur un rocher au milieu de l’Atlantique. La destinée lui avait ainsi préparé le plus poétique des tombeaux. Placée à l’extrémité des deux mondes, et n’appartenant qu’au nom de Bonaparte, Sainte-Hélène est devenue le colossal mausolée de cette colossale gloire ; mais l’ère de sa popularité posthume n’avait pas encore commencé pour la France.

J’ai entendu crier par les colporteurs des rues : La mort de Napoléon Bonaparte, pour deux sols ; son discours au général Bertrand, pour deux sols ; les déses-