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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

amère. Il s’était fait une grande existence avec un peu de talent et beaucoup d’emphase. On peut citer de lui deux ou trois discours remarquables et un grand nombre de mots, plus creux que profonds, mais qui ont eu grande vogue pendant un certain temps.

L’alliance précaire des partis était le résultat des manœuvres de monsieur de Villèle. Si le ministère avait méprisé cette union contre nature, elle ne pouvait durer huit jours ; mais monsieur de Villèle s’était bien flatté de trouver monsieur de Richelieu trop honorablement susceptible pour s’obstiner à garder une place où il semblait atteint par la désapprobation d’un des organes de la nation. Son espérance fut justifiée. Ce fut une faute, car la Chambre des députés parlait au nom de l’intrigue ; mais ces genres de fautes n’appartiennent qu’aux plus nobles caractères. D’ailleurs le Roi, déjà gagné par les blandices de madame du Cayla, loin de solliciter ses ministres de braver une situation évidemment transitoire, les encouragea à faire du vote de l’adresse une question de cabinet.

Lorsqu’il fut constaté que tout le parti ultra, dont Monsieur était le chef, travaillait aussi activement que lui-même au renversement du ministère, monsieur de Richelieu alla trouver le prince et lui demanda compte de cette parole de gentilhomme donnée, avec tant de solennité, l’année précédente.

Monsieur ne se déconcerta nullement : « Oh ! je vous en aurais dit bien d’autres pour vous faire accepter alors ; les temps étaient si mauvais que nous étions encore heureux de n’être réduits qu’à vous et de pouvoir nous arrêter aux gens de votre nuance d’opinion ; mais vous comprenez bien, mon cher duc, que cela ne pouvait durer. »

Monsieur de Richelieu lui tourna le dos, avec plus