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CARACTÈRE DE M. DE VILLÈLE

grande influence. Dès 1816, il était le chef de l’opposition ultra royaliste. Il se trouvait ainsi dans une profonde ignorance des affaires lorsqu’il y arriva ; mais il les apprit, en les faisant, avec autant de facilité que de perspicacité et aurait fini par administrer très bien s’il avait été maître de ses actions.

Il comprenait moins les finances, et pas du tout la diplomatie. Non seulement il n’avait pas la moindre connaissance des rapports des nations entre elles, des caractères des souverains et des ministres qui les gouvernaient, mais, sachant à peine l’histoire en homme du monde, chaque traité, chaque engagement qui liait les pays entre eux lui semblait une révélation.

J’ai entendu dire, à des diplomates, qu’il fallait lui tenir classe, comme à un écolier, avant de pouvoir causer des affaires avec lui et, sur ces sujets il ne montrait pas autant de perspicacité que d’ordinaire. Mais ce n’est pas un tort aux yeux des souverains. Tous les rois veulent faire la politique étrangère à leur gré ; c’est le commérage de leur intimité, et le ministre des affaires étrangères n’est jamais trop ignorant, selon eux, pourvu qu’ils se croient obéis.

Le vicomte Mathieu de Montmorency, avec des données un peu plus larges sur les rapports diplomatiques, avait un si petit esprit et une dévotion si ambitieusement puérile qu’il n’était que le serviteur des Jésuites. Au reste, pendant le ministère de monsieur de Villèle, hors monsieur de Chateaubriand un instant, tous ses collègues lui ont été soumis et il n’a eu à lutter qu’avec la Congrégation.

Monsieur de Villèle excellait dans l’art de gouverner une Chambre. Il avait réussi, par toutes les ruses électorales permises ou non permises, à se procurer une majorité selon sa volonté, et il la soignait admirablement.