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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/88

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

eue. Elle était extrêmement jolie, spirituelle, piquante, et s’empara promptement de l’esprit et du cœur de la duchesse de Luynes, sœur de son mari.

La vicomtesse de Laval désirait passionnément une place à la Cour. Madame de Luynes s’identifia à ce vœu de sa belle-sœur ; tout était à peu près arrangé lorsque la famille royale se prononça contre cette prétention de mademoiselle Boullongne. Elle fut repoussée durement. La famille de Montmorency se tint pour offensée de cet affront à une femme qui n’était plus mademoiselle Boullongne mais madame de Laval. Madame de Luynes proclama son mécontentement. Je crois même qu’elle cessa de faire son service de dame du palais jusqu’au moment où les malheurs de la Révolution la ramenèrent aux pieds de la Reine.

Le duc et la duchesse de Luynes n’avaient qu’une fille unique destinée à être la plus grande héritière de France. L’amour de la duchesse pour son nom lui fit désirer de la marier à un de ses neveux, et l’amitié qu’elle portait à la vicomtesse l’engagea à donner la préférence au fils unique de celle-ci sur les quatre fils de son frère aîné, le duc de Laval. Lui-même, fort dévoué à la vicomtesse, le souhaitait.

L’union de Mathieu avec la jeune Hortense de Luynes fut donc convenue, à la satisfaction des deux mères et avec l’assentiment du duc de Luynes. Il survint un obstacle auquel on ne s’attendait guère.

Gui de Laval, fils aîné du duc, roux, laid, asthmatique, cacochyme, vieillard de vingt ans, avait épousé mademoiselle d’Argenson, charmante personne qui faisait un contraste frappant avec l’époux que d’immenses avantages de rang et de fortune lui avaient fait accepter. Le jeune Mathieu ne fut pas le dernier à en être frappé, et il devint amoureux fou de sa charmante cousine.