Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
LE MARIAGE DU DUC D’ORLÉANS

cette jactance qui les suit en tout lieu et qu’ils déployaient, con gusto, dans cette enceinte où eux-mêmes, peut-être, avaient la conscience d’être déplacés.

« Quel est ce monsieur qui lorgne la Reine ?

— Il écrit dans le Constitutionnel.

— Et ce grand qui parle si haut ?

— Il écrit dans le National.

— Et cet autre qui gesticule ?

— Il rédige le feuilleton des Débats.

— Et ce monsieur si guindé ?

— Il fait l’article « Paris » du Charivari. »

Il en pleuvait de ces petits messieurs, et j’avoue que j’étais un peu courroucée de les voir encore plus officiels que moi.

Je crois que c’est en caressant ainsi ces existences improvisées sur un chétif talent qui, en général, ne conduit qu’à une vie de désordre qu’on donne de l’importance à des gens ne méritant, pour la plupart, aucun égard.

S’il se trouvait parmi eux de véritables capacités, elles réussiraient promptement à sortir des rangs de ces fabricants d’articles qui ne devraient être considérés que comme des scribes à gages.

Sans doute, parmi les députés, invités en masse, et même parmi les pairs, il se rencontrait bien des noms qui auraient provoqué l’étonnement des cercles présidés par madame de Montespan ; mais ceci se trouvait dans les convenances du temps ; c’était un hommage rendu à notre forme de gouvernement.

Malgré la grossièreté de ses façons, je me réconciliais à voir monsieur Dupin un personnage important à Versailles tandis que j’étais scandalisée que monsieur Jules Janin et ses confrères y fussent admis.

Les membres des académies, les savants, des artistes,