Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
MORT DE MONSIEUR DE TALLEYRAND

occupé les deux cabinets depuis trois semaines elle se concluait à l’heure même à Paris.

Monsieur de Talleyrand sentit d’autant plus vivement le coup que lord Palmerston avait eu le mauvais goût de le faire attendre deux heures dans son antichambre avant de lui donner audience.

Il rentra chez lui furieux, et se décida à quitter Londres où il ne voulait pas déchoir ; mais il voua une cruelle inimitié au duc de Broglie. Sans doute, celui-ci avait raison de trouver mauvais que l’ambassadeur ne rendît aucun compte au ministre ; mais peut-être aurait-il pu trouver des formes moins rudes vis-a-vis d’un personnage, important par lui-même, qui venait de rendre de grands services.

L’attitude prise par monsieur de Talleyrand à Londres avait tout de suite placé le nouveau trône très haut dans l’échelle diplomatique. Tous les collègues de monsieur de Talleyrand en Angleterre le connaissaient d’ancienne date et ils avaient envers lui des habitudes de déférences personnelles qu’il savait utiliser pour l’intérêt de son gouvernement.

Il tenait une très grande maison dont la duchesse de Dino faisait parfaitement les honneurs ; ils avaient l’un et l’autre réussi à se mettre en tête de tout ce qui menait la mode ; et, dans ce monde exclusif, la duchesse de Dino s’était retrempée dans les idées aristocratiques que sa vie de Rochecotte pouvait avoir un peu rouillées. Le goût qu’elle y reprit lui donna le désir de se rapprocher de ce qu’on appelle la société du faubourg Saint-Germain, à Paris. Elle pensa qu’il fallait y arriver par la famille de monsieur de Talleyrand ; mais c’était surtout là qu’elle était le plus mal vue.

Ramener monsieur de Talleyrand à une fin de vie édifiante lui parut la meilleure voie pour se faire accueillir