Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

cela s’appelle des visites à présent ; il y a huit ans, j’aurais écrit étaient venus faire leur cour, soit remarqué par parenthèse). La Reine allait des uns aux autres, distribuant ses gracieuses politesses.

La princesse Marie me dit : « J’examine depuis un quart d’heure si celui-là échappera à maman ; » et elle me désigna un petit homme à la mise aussi chétive que plébéienne, réfugié entre une console et un fauteuil.

Au même instant, nous vîmes la Reine se diriger vers lui. La princesse me regarda en souriant : « J’aurais été bien étonnée si maman ne l’avait pas déniché. »

Quoique je n’eusse aucune liaison particulière avec la princesse Marie, l’habitude de la voir dès sa plus tendre enfance et peut-être aussi mon caractère me donnaient mon franc parler avec elle, et je lui répondis : « Si Madame assistait un peu plus la Reine, sa tâche serait moins difficile.

— Moi ! j’en serais bien fâchée ; je n’y entends rien.

— Tant pis, Madame, car c’est votre métier. Chacun a le sien dans le monde, et si vous saviez combien un mot obligeant, une mine gracieuse des personnes de votre rang donnent de popularité et attirent de partisans ! »

Elle me mit la main sur le bras et, m’arrêtant tout court, moitié riant, moitié sérieusement :

« Ah ! ma chère madame de Boigne, voilà deux mots qui gâtent toute votre morale : la popularité !… des partisans !… Mais c’est une lâcheté de s’humilier devant des gens dont on ne se soucie pas, que parfois on méprise, pour obtenir leur suffrage. Cela n’est plus de notre temps, et, d’ailleurs, croyez-moi, cela ne sert à rien. »

Je niai cette assertion. La conversation se prolongea encore quelque temps. Je lui citai de nouveau l’exemple de sa mère. Elle convint de la vénération et de l’amour