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LA DUCHESSE DE CHÂTILLON

en moi qu’en ceux avec lesquels je me trouvais alors. Toutefois, malgré cette velléité d’admiration pour l’Empereur, je tenais par mille préjugés à ce qu’on appelait l’ancien régime ; et mon éducation toute anglaise me rendait, par intuition, de la secte qui, depuis, a été appelée libérale. Voilà, autant que je puis le démêler à présent, le point où j’en étais à mon arrivée en France. Monsieur de Boigne, ce que je ne conçois guère, n’était pas du tout révolutionnaire et, sur ce seul point de la politique, nous étions à peu près d’accord.

Nous allâmes à la fin de décembre nous établir à Paris ; j’y passai trois mois, les plus ennuyés de ma vie. La société de Paris est tellement exclusive qu’il n’y a nulle place pour ceux qui y débutent, et, avant de s’être formé une coterie, on y est complètement isolé. D’ailleurs, la crainte des scènes que monsieur de Boigne me faisait à propos de tout et de rien me tenait dans une réticence qui ne facilitait pas les rapports de sociabilité. Je trouvais de temps en temps une vieille femme qui se rappelait m’avoir vue teter à Versailles, ou une autre qui me racontait mes gentillesses de Bellevue, mais tout cela ne me récréait pas infiniment.

Je fus très tendrement accueillie par la princesse de Guéméné (celle dont j’ai déjà parlé) ; elle me fut utile et serviable autant que peut l’être une personne qui ne quitte pas son lit et voit peu de monde.

La duchesse de Châtillon, en revanche, m’était insupportable ; elle me retenait des heures entières à me chapitrer sur une multitude de choses où ses conseils étaient aussi inutiles que surannés, commençant et finissant toujours ses sermons par ces mots :

« Ma petite reine, comme j’ai l’honneur de vous appartenir. »

Ce qui voulait dire en bon français :