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MADAME DE POLIGNAC

la favorite en larmes et s’occupait sur-le-champ de les tarir. Quand à ce qui regardait sa propre fortune, madame de Polignac se bornait, sans rien demander, à accepter nonchalamment les faveurs préparées par les intrigues de la comtesse Diane, et la pauvre Reine vantait son désintéressement. Elle y croyait, et l’aimait sincèrement ; l’abandon de la confiance, de son côté, avait été sans limite pendant quelques années.

La nomination de monsieur de Calonne y avait mis quelque restriction ; il était de l’intimité de madame de Polignac, et la Reine ne voulait pas qu’un membre du conseil du Roi fût pris dans ce sanhédrin. Elle s’en était expliquée hautement, mais la coterie, préférant à tout l’agrément d’avoir un contrôleur général à sa disposition, fit valoir auprès de monsieur le comte d’Artois les facilités que lui-même y trouverait. Et ce fut par son moyen que monsieur de Calonne fut nommé, malgré la répugnance de la Reine. Elle en conserva du mécontentement ; cela la refroidit pour madame de Polignac, et tous les empressements de monsieur de Calonne échouèrent à se concilier ses bontés. Cependant, il lui répondait un jour où elle lui adressait une demande : « Si ce que la Reine désire est possible, c’est fait ; si c’est impossible, cela se fera. » En dépit de paroles si gouvernementales, la Reine n’a jamais pardonné.

S’il avait des inconvénients, ce désir de plaire n’était pas sans quelques avantages ; il rendait la Reine charmante ; dès qu’elle pouvait oublier le rôle de femme à la mode qui l’absorbait, elle était pleine de grâces et de dignité. Il aurait été facile d’en faire une princesse accomplie, si quelqu’un avait eu le courage de lui parler raison. Mais ses entours vérifiaient le mot du poète anglais :

 All who approach them, their own ends pursue.