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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/103

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

quelques coups de pinceau qui fassent mieux apprécier les choses et les personnes. Aussi, ne parlé-je jamais de ce que je ne sais que par des on-dit ou par la voix publique.

L’anxiété allait en croissant ; la discussion de l’Adresse dans les deux Chambres devenait chaque jour plus acerbe. Les articles virulents des journaux, les manifestations d’étudiants, d’ouvriers en blouse, se multipliaient pour obtenir l’autorisation de se réunir en banquets.

En la refusant mollement, on n’avait fait qu’en accroître le désir poussé jusqu’à la passion. On l’accorda enfin, sous les fallacieuses promesses de gens qui, au fond, n’étaient pas en mesure de les tenir.

Le général Jacqueminot n’exerçait aucun empire sur la garde nationale dont il était commandant. Le Roi le savait bien, et avait essayé d’engager monsieur Duchâtel à lui demander sa démission. Mais monsieur Duchâtel ne cherchait qu’une issue pour sortir d’un ministère où il se déplaisait.

Il affirma au Roi qu’il lui apporterait la démission du général Jacqueminot à l’heure même où il la souhaiterait, en lui demandant la permission d’y ajouter la sienne, les relations de famille ne lui permettant pas de refuser cette satisfaction à son beau-père.

Le Roi n’ignorait pas les dispositions de monsieur Duchâtel. Reconnaissant l’impossibilité de conserver monsieur Guizot sans lui, et ne voulant pas dissoudre son ministère, il ajourna le changement de monsieur Jacqueminot, quoique personne n’ignorât à quel point il s’entendait peu avec le général Sébastiani, commandant l’armée de Paris.

Cette circonstance aggravait encore les inquiétudes des amis de l’ordre.