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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/104

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CHUTE DE LA MONARCHIE D’ORLÉANS

Le dimanche 20 février, devant quelques personnes réunies chez moi, le colonel de La Rue se prit à dire que le trouble était grand parmi les militaires, aussi bien que dans la ville. On ne savait à qui on devait obéir, et les ordres se contredisaient.

Il ajoutait : « La nomination du maréchal Bugeaud au commandement de Paris calmerait tous les esprits. »

Monsieur de Salvandy, ministre de l’instruction publique, se leva, avec cet air important qu’il affectait toujours, et reprit, d’une voix très haute : « Monsieur, quand elle a le bonheur d’avoir pour commander la garde nationale le général Jacqueminot, et pour commander la garnison le général Tiburce Sébastiani, la ville de Paris ne peut rien avoir à craindre ni à désirer. »

Après ces belles paroles, il fit une sortie héroïque, nous laissant tous un peu étonnés. À la même heure, et dans un cercle plus nombreux, chez la princesse de Liéven, monsieur de Rambuteau, préfet de Paris, et monsieur Delessert, préfet de police, interrogés assez négligemment par elle sur les événements du jour, les lui peignirent sous des couleurs assez sombres pour exciter son attention. Monsieur Guizot, assis sur un sopha à l’autre extrémité du salon, causait avec l’ambassadeur d’Angleterre. La princesse l’appela :

« Venez donc, monsieur, lui dit-elle, écouter ce que me disent ces messieurs. »

Monsieur Guizot écouta, en effet, puis il reprit :

Et c’est pour cela ; princesse, que vous avez interrompu ma conversation avec lord Normanby ? Que ces messieurs se calment et qu’ainsi que vous ils dorment fort tranquilles. »

Puis il tourna sur ses talons, en leur laissant à tous trois, pour adieu, un de ces sourires supérieurs et satis-