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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/106

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CHUTE DE LA MONARCHIE D’ORLÉANS

la matinée, les paroles du chancelier me remontèrent un peu. Je le trouvai moins inquiet que les autres, mais il est dans sa nature de se calmer à l’heure du danger.

Il me quitta de bonne heure pour aller aux Tuileries. Les personnes qui survinrent chez moi me parurent toutes bien alarmées.

Je reçus, à onze heures du soir, un billet de monsieur de Salvandy qui contenait uniquement ces mots : « Je voulais aller vous rassurer moi-même, madame ; il est déjà tard, et je suis encore retenu au conseil. Soyez tranquille, tout est prévu, tout est prévenu ; il n’y a pas ombre de soucis à prendre. »

Voilà ce qu’on m’écrivait sur la table du conseil, le mardi 22 février, à onze heures du soir.

Dès le grand matin, mercredi, je sus par mes gens, à mon grand étonnement, les boulevards et les places entièrement dépourvus des forces militaires qui devaient s’y trouver établies, et les flots de la population des faubourgs se portant en masse du côté des Champs-Élysées où le banquet devait avoir lieu.

J’ai appris depuis, très positivement, qu’Horace Vernet, mandé par le Roi de Versailles, où il résidait, était arrivé d’assez bonne heure aux Tuileries. Le Roi travaillait déjà avec l’architecte de Versailles. Lorsque celui-ci sortit du cabinet, Vernet lui demanda si le Roi savait l’état où se trouvait la ville.

« Je ne crois pas, répondit l’autre, il est bien calme. »

Vernet prit sur lui d’exprimer les craintes inspirées par ce dont il venait d’être témoin en se rendant au palais. Le Roi lui répondit par un sourire, et il entama tout de suite le motif pour lequel il l’avait fait appeler.

Horace Vernet devant aller à Blois pour faire le portrait d’Abd-el-Kader, le Roi désirait hâter son départ et le chargeait d’exprimer à l’Émir son vif regret de n’avoir