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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/177

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

un véritable marchand : cette transition m’a paru d’une finesse et d’une raison que je n’aurais pas soupçonnée dans un homme de cette espèce. Au surplus, son magasin serait remarquable à Londres, — Adieu, chère maman, je vous quitte pour aller passer une robe. Je vais, ce soir, chez madame la duchesse d’Havré.


Mardi 17.

Point encore de lettres. Vous avez dû recevoir les miennes exactement, car le vent n’a pas varié. Mais je suis désolée de ne point savoir de vos nouvelles. Je crains ce vent d’est pour papa presque autant que pour vous, ma chère maman. Forcez-le à bien soigner son rhume. Mon Dieu, s’il était malade, que deviendrait la pauvre Minette ? Je ne sais pourquoi cet inévitable silence me tourmente, mais tant il y a que je suis bien, bien malheureuse. À quoi bon vous le dire, hélas ! j’en suis bien sûre, vous ne le savez que trop. — On ne m’a pas parlé de la lettre, ni de la visite qu’on attendait, et on a fixé le jour du départ, sans qu’il en fût question. Je n’ai pas trouvé madame d’Havré hier au soir. J’ai reçu un billet de madame de Viguier qui est très poli ; j’irai chez elle ce matin, ainsi que chez madame Cockburn et chez lady Webb. J’ai oublié de vous dire qu’elle était venue chez moi l’autre jour. Son séjour ici donne lieu, à ce qu’on m’a dit, à beaucoup de conjectures, et une femme de chambre, maltraitée par elle, et entrée au service de madame Cockburn, tient des propos ridicules, qui, à coup sûr, m’auraient dégoûtée d’un pareil domestique, quelque tort que pût avoir son ancienne maîtresse. — Monsieur et madame Henry Dillon sont aussi à Altona. — Si j’avais su faire ici un aussi long séjour, j’aurais pris des lettres pour lady Crawfurd, attendu que l’isolement dans lequel je vis me prépare des