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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/265

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

elle ne me fait aucun plaisir. Soigne-toi bien, mon excellent papa, que ne suis-je…


Vendredi 11.

Quoique j’eusse expressément défendu qu’on me laissât entrer du monde et que j’eusse posté un de mes gens à ma porte pour ne l’ouvrir à personne, on l’a forcée hier, pendant que je vous écrivais, selon le louable usage du pays. J’avoue que cela me paraît si familier, je dirai même si grossier que j’ai toutes les peines du monde à être polie pour les gens qui arrivent chez moi de cette manière-là qu’autoriserait à peine la plus grande intimité. L’autre jour, j’étais à la fenêtre et seule chez moi ; monsieur de Polignac passe dans la rue. En voyant qu’il lève la tête, je retire la mienne : dix secondes après, il est dans ma chambre : « je me suis aperçu, dit-il, que vous ne vouliez pas être vue, et, je viens vous surprendre »… Cependant c’est un homme de fort bonne compagnie !… — Je me flatte, cher papa, que, si maman a besoin de quelque chose de la façon de George, vous le lui aurez fait faire ; je suis bien aise qu’il se soit rendu utile. Toutes ces maladies ont dû user la provision de bouillon ; j’espère que vous l’aurez fait renouveler. — Je suis fatiguée de n’être pas maîtresse chez moi, et, coûte que coûte, je veux le devenir ; monsieur de Boigne m’a conseillé et dit de répondre quand on me dirait « Monsieur a défendu ; monsieur ne veut pas, » — « Fort bien ; obéissez moi toujours et nous verrons bien si monsieur osera me dire qu’il désapprouve les ordres que je donne ». Ce sont ses propres paroles. Vous voyez que je ne peux guère me refuser à cet accès de complaisance. — Le bon oncle est en fort bonne santé. Je lui ai donné hier l’arrière-garde. Plus je vois cet intérieur, moins j’ai bonne opinion du curé (je ne lui connais