Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/158

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Je lui fis savoir, sans retard, qu’une seule candidature était encore posée, celle de M. Duthil, ancien Maire de Nérac, très grand et très riche propriétaire, protestant, libéral avancé, naguère, ouvertement rallié, par les excès de l’Opposition, à la cause du Gouvernement. Il n’aurait pas, néanmoins, ajoutais-je pour des raisons étrangères à la politique, toutes les voix réunies par M. le marquis de Lusignan ; une forte portion du parti conservateur préférerait la candidature, encore indécise, de M. de Vigier, catholique, ancien officier d’artillerie, membre du Conseil Général pour le canton de Mézin, possesseur d’une très belle fortune territoriale, avec qui je vivais en assez bons termes pour descendre chez lui, pendant mes tournées dans son canton ; et, si M. de Vigier, plus sympathique à M. de Lusignan, se présentait, les voix conservatrices seraient partagées, au premier tour de scrutin, entre M. Duthil et lui, dans des proportions difficiles à prévoir, tandis que les voix légitimistes et celles de l’Opposition libérale se compteraient à part, comme d’habitude. Qu’au second, la majorité dépendrait du nombre des libéraux qui se rallieraient à M. Duthil et de celui des légitimistes qui se décideraient, par des considérations religieuses, à reporter leurs voix sur M. de Vigier ; mais, alors, l’Administration, sans trop se découvrir, prendrait parti pour celui des deux candidats favorables au Gouvernement, sur lesquels, se grouperaient, d’après les premiers résultats, le plus de chances de succès. Cette ligne de conduite n’aurait, sans doute, rien de chevaleresque ; mais, je la croyais la plus politique, et j’en proposais l’adoption.

Courrier pour courrier, le Ministre me répondit, sans aucune hésitation, que mon ami, M. de Vigier, par