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neutralité de la belgique

bornée à l'est par le Rhin où nos adversaires ont installé des têtes de pont organisées. Une offensive sur Strasbourg arrêtée de front, et menacée de flanc ne peut conduire qu'à des résultats limités. En Lorraine, la frontière est barrée au nord de Metz par l'ensemble fortifié Metz-Thionville ; elle est coupée vers Dieuze par une région d'étangs et à l'est de Sarrebourg par les Vosges.

Entre le camp retranché de Metz et Dieuze d'une part, et les Vosges d'autre part, il existe deux couloirs larges, le premier de 30, le second de 20 kilomètres seulement.

Il est de toute évidence que nous ne pouvons développer dans ces couloirs que des moyens relativement restreints. En admettant que nos attaques parviennent à y progresser, elles ne tarderont pas à venir buter de front contre des positions organisées, en même temps qu'elles seraient menacées de flanc par des contre-offensives partant de Metz et de Strasbourg.

En résumé, ni en Alsace, ni en Lorraine, nous ne trouverons des terrains favorables à une offensive visant immédiatement des résultats décisifs.

La situation serait infiniment plus avantageuse, s'il nous était loisible d'étendre notre gauche au delà de notre frontières dans le grand-duché et sur le territoire belge : de ce côté, nous pourrions développer tous nos moyens d'action, et nous passerions au nord de tous les systèmes fortifiés construits à grands frais par nos adversaires. En cas de succès, nos armées rejetteraient les masses allemandes vers l'Allemagne du Sud, et menaceraient directement leur principale direction de retraite et leurs communications sur Berlin ; en outre, le passage par la Belgique nous donnerait le moyen de faire participer d'une manière plus efficace à nos opérations l'armée britannique dont l'appoint nous procure une supériorité numérique marquée sur nos adversaires.


De cet exposé, je tirai la conclusion que nous avions un intérêt majeur à pouvoir faire pénéter nos armées en territoire belge et non pas seulement lorsque les Allemands, ainsi qu'il était probable, l'auraient eux-mêmes violé. J'ajoutai que, par voie diplomatique, il serait peut-être possible de suggérer au gouvernement britannique et au gouvernement belge la solution qui nous paraissait