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neutralité de la belgique

présentés comme une mesure de précaution contre une menace d'invasion de la Belgique par la France. Ainsi donc, si la conférence du 21 février 1912 eut pour résultat essentiel de poser le problème, elle ne le résolvait pas.

La phrase si symptomatique que M. Poincaré avait prononcée, au cours de cette conférence, mérite qu'on s'y arrête. Le président du Conseil avait, sans doute, dans l'esprit tous les avertissements que les Anglais nous avaient donnés concernant la neutralité belge : en 1906, lors des premières conversations au sujet de l'entente militaire franco-britannique, nous avions formellement promis de respecter la neutralité belge ; vers la même époque, une voix autorisée[1] nous avait prévenus : « Ne vous laissez pas tenter à entrer en Belgique sur des simples menaces de l'Allemagne ; il pourrait être de l'intérêt de celle-ci de vous pousser dans cette voie. » En 1911, lord Esher avait encore insisté sur ce même avertissement.

J'ai cependant tout lieu de croire qu'à la suite de mes déclarations dans cette séance de février 1912, et sur l'initiative de M. Poincaré, la diplomatie anglaise étudia la question que je venais de soulever. En effet, j'appris que l'attaché militaire anglais à Bruxelles, le colonel Bridges, essaya, dans le courant de 1912, d'entrer en conversation avec le général Jungbluth de l'état-major belge ; mais les échanges de vues ne purent dépasser la question préjudicielle de savoir quelles dispositions pourraient être prises en commun dans le cas d'une violation du territoire belge en commun dans le cas d'une violation du territoire belge par l'Allemagne. Même sur ces bases réduites, la conversation engagée n'aboutit à aucun résultat.

Toujours est-il que le 27 novembre 1912, le général Wilson, avec l'assentiment de lord Grey, vint à l'état-major français, et nous déclara que le Foreign Office estimait « que la Belgique était hésitante sur le parti à prendre dans le cas d'un conflit franco-allemand, et qu'elle paraissait pencher plutôt du côté de l'Allemagne ». « Or, ajoutait-il, si la France viole la première la neutralité belge, l'armée

  1. Lieutenant-colonel A. Court Repington.