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qu'une décision n'aurait pas été obtenue sur le front occidental.

Dans cette hypothèse, il était à peu près certain que les Allemands violeraient la neutralité belge. Mais, dès lors, ils nous ouvriraient les portes du seul terrain de manœuvre où nous pouvions développer nos armées.

Mais alors se posait la question de savoir quelle envergure les Allemands pourraient donner à leur manœuvre.

Un exercice sur la carte exécuté au grand état-major allemand en 1905, dans lequel avait été précisément étudiée la manœuvre de la droite allemande à travers la Belgique, était arrivé jusqu'à nous. Dans cette étude, l'aile droite allemande ne s'élevait pas au nord de la Meuse de Namur à Liége. Ce document n'avait, évidemment, que la valeur toute relative d'une étude théorique, mais c'était tout de même une indication.

Cette grave question fut longuement discutée par nous et tout particulièrement avec le général de Castelnau, le chef du 3e Bureau, le colonel Hallouin et les officiers du 2e Bureau[1]. Il nous apparaissait que la nécessité pour les Allemands de réduire tout d'abord les places de Liége et de Namur, les inclinerait à limiter l'envergure de leur mouvement au sud de la Meuse.

Nous estimions, d'autre part, que la violation plus complète de la Belgique serait de nature à faire entrer certainement les Anglais dans la lutte, à cause de la menace contre Anvers, tandis que limitée à la rive sud du fleuve, il était possible que les Anglais demeurassent indifférents.

En outre, l'utilisation par les Allemands du grand-duché de Luxembourg et du Luxembourg belge leur permettait de disposer de quinze routes et trois voies ferrées, ce qui semblait suffisant pour faire mouvoir les forces qu'ils consacraient à leur aile droite.

En effet, nous admettions, — et c'était principalement là l'avis du général de Castelnau — que les Allemands

  1. 3e bureau : bureau des opérations ; 2e bureau : service des renseignements.