Aller au contenu

Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
10
mémoires du maréchal joffre

Je pris la parole dès qu'on aborda la discussion sur la deuxième question. J'exposai que, dans de nombreux exercices, j'avais pu constater que pour battre des zones échappant au 75, on était souvent obligé d'avoir recours au 155 et d'emploi ainsi des projectiles de 40 kilos, alors que des obus de 15 kilos auraient suffi. Il me paraissait donc indispensable d'adopter un obusier léger permettant à la fois de battre les angles morts que le 75 ne pouvait atteindre et d'accompagner dans certains cas les attaques d'infanterie. Le général Michel s'éleva aussitôt contre mon avis, en montrant les inconvénients de la multiplicité des calibres. On vote, et une première fois, le Conseil lui donna tort en déclarant qu'il y avait lieu d'adopter un obusier léger.

Alors vint en discussion la proposition du général Michel. Le ministre indiqua que c'était sur la demande expresse du général qu'elle était soumise au Conseil.

Ce fut une véritable levée de boucliers. A tour de rôle, les membres du Conseil présentèrent leurs objections : manque d'homogénéité et de cohésion en face des unités allemandes que nous savions si bien encadrées, bouleversement complet de notre organisation, lourdeur des corps d'armée avec leurs seize régiments d'infanterie, retard de cinq jours dans notre concentration qui nous obligerait à reculer nos débarquements jusque dans la Marne, trop faible proportion de l'artillerie pour les effectifs d'infanterie, création avec les demi-brigades d'un nouvel échelon de commandement, ce qui entraînerait l'augmentation du nombre des états-majors, etc...

Le général Michel témoigna quelque mauvaise humeur au cours de la discussion. Lorsqu'on mi aux voix la question : "Y'a-t-il lieu d'adopter le principe des demi-brigades ?" il fut répondu "non" à l'unanimité.

Aussitôt commença dans la presse une campagne où il était fait allusion à la fâcheuse posture dans laquelle s'était trouvé le vice-président du Conseil ; fait sans précédent, les jours publiaient un compte rendu de la séance. J'ai toujours pensé que le ministre ne fut pas étranger à