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succession du général michel

cette campagne. L'opinion fut à ce point émue que bientôt la situation du général Michel devint impossible.

Le 21 juillet, la crise franco-allemande marquait une recrudescence particulièrement grave. Sans hésiter le gouvernement prit la décision de retirer au général sa lettre de commandement éventuel. Il fallait lui choisir sans retard un successeur. D'autre part, M. Messimy comptait profiter de la crise ainsi ouverte pour faire aboutir la réforme du haut commandement à laquelle il s'était attaché ; il estimait, en effet, qu'une dualité regrettable existait entre le Conseil supérieur de la guerre et son vice-président, et l'administration de la guerre placée sous les ordres du chef d'état-major des armées. Le vice-président du Conseil était en effet sans action sur cet important organe chargé de la préparation de la guerre.

M. Messimy songea tout d'abord au général Pau pour succéder au général Michel comme généralissime éventuel. Nul ne paraissait plus digne de ces hautes fonctions. Mais dans une entrevue qu'il eut avec le ministre à ce sujet, il mit à son acceptation une condition absolue que ce dernier ne voulut pas accepter : le contrôle des nominations de généraux.

C'est alors que M. Messimy me fit appeler. "Accepteriez-vous le commandement suprême en temps de guerre ?" me demanda-t-il. J'objectai que ma carrière coloniale m'avait pendant longtemps écarté des questions relatives à la guerre européenne, que j'étais depuis peu de temps, en somme, mêlé à celles de la conduite des opérations, et que d'autres que moi au Conseil me paraissaient mieux préparés à tenir un tel rôle. Et je citai le général Pau. — "Mais s'il n'était pas possible au gouvernement de nommer le général Pau, me répondit le ministre, accepteriez-vous ?

—— "Si le gouvernement croit devoir passer outre à mes objectifs, je m'inclinerai devant sa décision."

Après cet entretien, je rencontrai le général Pau au ministère ; je lui racontai la conversation que je venais d'avoir ; il insista très amicalement auprès de moi pour que j'accepte les lourdes responsabilités qui m'étaient offertes.