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quelques heures. Mais l'illusion que certains nourrissaient encore de voir les choses tourner d'une façon favorable ne devait plus être de longue durée. En effet, dans la nuit même, M. Isvolsky vint annoncer à M. Viviani que M. Sazonoff avait reçu le même jour, vers 15 heures, notification de la décision allemande de mobiliser ses forces armées, si la Russie ne cessait pas ses préparatifs militaires. D'ailleurs, un télégramme envoyé par notre ambassadeur de Saint-Pétersbourg venait, peu de temps après, confirmer cette nouvelle, en ajoutant que le gouvernement russe s'était décidé à ordonner la mobilisation des treize corps d'armée destinés à opérer contre l'Autriche.

Ainsi, malgré la continuation des négociations diplomatiques, il était évident, pour quiconque n'était pas prévenu, que la situation prenait subitement un caractère très grave. Aussi, dès la réception de ces nouvelles, le président du Conseil, les ministres de la Guerre et de la Marine se rendirent à l'Élysée, pour étudier en Conseil "les mesures que la France prendrait si l'Allemagne mobilisait à son tour".

Pour moi, il me paraissait extrêmement dangereux de temporiser ainsi ; la guerre me semblait maintenant inévitable : nous avions appris dans cette journée du 29 que les transports de concentration autrichiens commenceraient le 30 juillet, et que la marche en avant de l'armée austro-hongroise se produirait vraisemblablement das le courant de la semaine suivante ; d'autre part les corps d'armée stationnés en Bohême (8e et 9e corps) étaient en pleine mobilisation.

En Allemagne, la série des mesures réglementaires de tension politique continuait de se dérouler : des dispositions de couverture étaient prises sur toute la frontière d'Alsace et de Lorraine, les voies ferrées étaient gardées militairement aux abords des gares et des ouvrages d'art depuis le 28 au soir ; des réquisitions importantes de farine avait été faites à Metz et à Strasbourg, les ordres de rappels individuels des réservistes se multipliaient. Rien, cependant, ne laissait encore supposer