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anxiété

qu'une classe entière ait été rappelée ; mais des renseignements de source sûre faisaient craindre qu'on ne procédât face à la Russie, à une sorte de mobilisation secrète.

Il suffisait de connaître l'esprit méthodique des Allemands pour comprendre que toutes ces mesures qui faisaient partie du plan à appliquer en cas de tension politique conduisaient fatalement l'empire allemand vers cette guerre que Guillaume II annonçait au roi Albert en novembre 1913. Qu'on imagine avec quelle anxiété, convaincu que la guerre était imminente, je suivais les préparatifs de nos adversaires éventuels, ceux de nos alliés, le développement des événements, le groupement des forces, et les moindres indices qui nous parvenaient.

Mon anxiété se tournait plus que jamais vers la Belgique. Quelle serait ton attitude ? Le roi Albert a donné trop de preuves de sa loyauté à la cause alliée pour qu'il ne soit pas possible de dire aujourd'hui que, par ses attaches de famille et sa forme d'esprit, on pouvait craindre de la voir se tourner vers nos ennemis. D'autre part, le puissant parti catholique belge était germanophile. L'influence de ce parti pouvait avoir sur la décision du gouvernement belge un poids considérable. Ce sera l'éternel honneur du roi d'avoir si parfaitement traduit les aspirations de son peuple, en se rangeant à nos côtés. Il n'en reste pas mois qu'à cette date du 29 juillet, nous ne savions encore rien des intentions belges. Cependant, nous apprenions que tous les permissionnaires avaient été rappelés, qu'on continuait à armer les forts de l'Escaut et que la mise en état de défense d'Anvers était poussée activement. D'autre part, on ne signalait aucune activité spéciale ni à Namur, ni à Liége.

D'Angleterre, nous apprenions par une lettre de notre attaché militaire que le War Office n'avait encore pris aucune mesure à la date du 26 ; les troupes étaient toujours dans les camps et la Home Fleet était maintenue à Portland, où les manœuvres navales venaient de se terminer.

En Italie, il ne semblait pas que l'armée navale eût pris