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préparatifs allemands

à Novéant et à Delme, à Château-Salins et à Dieuze, au sud de Sarrebourg, dans les vallées de la Bruche et d'Oderen, on nous signalait que les positions étaient occupées et renforcées par des travaux de campagne ; des patrouilles étaient poussées jusqu'à la frontière ; dans toutes les places de la frontière, les divers travaux complémentaires de mobilisation étaient commencés : déboisement, construction de batteries, plantation de réseaux de fil de fer ; en arrière, des troupes étaient venues renforcer dans la journée du 29 les garnisons de Cologne, Trèves, Sarrebourg et Strasbourg ; les gares étaient occupées militairement, les bureaux télégraphiques renforcés, les routes conduisant en France étaient barrées, les voyageurs étaient soigneusement interrogés, les automobiles ne circulaient qu'avec des permis.

En somme, nous suivions pas à pas, dans l'ordre même où nous le connaissions, le déroulement des mesures de précaution que les Allemands avaient prévues dans un rapport parvenu à notre connaissance. Nous ne pouvions donc douter, en ce qui nous concernait, de la suite fatale de ces préparatifs. Ce fut cette certitude que les Allemands, avec leur esprit méthodique, appliquaient point par point leur programme, qui me donna la conviction de la guerre inévitable, et me montra la nécessité de nous y préparer nous-mêmes sans retard.

Or, en face de cette situation menaçante, nous n'avions pratiquement réalisé aucune mesure de défense, puisque la mise en place de la couverture n'avait pas encore été accordée par le gouvernement. Lorsque je vis M. Messimy dans la matinée du 30, j'insistai à nouveau sur la nécessité absolue pour le gouvernement de prendre cette décision. Il se rendit au Conseil des ministres où il fit part à ses collègues de mon insistance. La séance fut fort longue ; après plusieurs heures de délibération, le ministre me fit connaître que, par crainte de desservir la cause de la paix, le Conseil avait autorisé la mise en place des troupes de couverture avec les réserves suivantes : seules feraient mouvement les unités pouvant se rendre sur leur