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assassinat de jaurès

trains et à leur envoi aux points d'embarquement. Le Conseil des ministres se réunit à 17 heures et prit connaissance de ma note. Cette fois, M. Viviani l'approuva. Il était à ce moment 17 h. 15. Cependant, le Conseil des ministres prit la décision de ne donner encore qu'une demi-satisfaction à mes demandes : si je fus enfin autorisé à lancer le télégramme destiné à mettre en place la couverture, on me refusa l'autorisation de rappeler les réservistes. Quoi qu'il en soit, il était 17 h. 40 exactement lorsque fut expédié le télégramme : "Faites partir troupes de couverture. L'heure initiale est fixée à 21 heures." J'avoue que je ressentis un grand soulagement à ce moment.

Il était temps. Peu après que le télégramme fut parti, l'ambassadeur d'Allemagne, M. de Schœn, se présentait au Quai d'Orsay et annonçait à M. Viviani que l'empereur avait décidé le jour même à midi de déclarer l'état de danger de guerre. En outre, il annonçait la mobilisation générale de la Russie, et demandait quelle serait l'attitude de la France en cas de conflit entre l'Allemagne et la Russie.

En apprenant ces graves nouvelles, j'insistai derechef auprès du ministre de la Guerre pour que la décision de la mobilisation générale fût prise immédiatement. Elle me paraissait urgente. M. Messimy me promit d'insister auprès du Conseil qui se réunit dans la soirée.

En effet, à 21 heures un nouveau Conseil des ministres — le troisième de la journée — se réunit. Pendant qu'il avait lieu, on apprit l'assassinat de Jaurès. Ce monstrueux attentat fit redouter des troubles, et je reçus aussitôt l'ordre du gouvernement de contremander l'embarquement de la brigade de cuirassiers de Paris. La première division de cavalerie, à laquelle cette brigade appartenait, s'embarqua donc pour la frontière avec deux brigades seulement. Le lendemain, grâce à la sagesse de la population, on acquit la certitude que l'ordre ne serait pas troublé : l'approche du danger avait refait l'union de tous les Français. Il fut, en conséquence, décidé que la