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mémoires du maréchal joffre

Ainsi, le 1er août au soir, à l'instant où allait commencer notre mobilisation générale, il nous était interdit de prendre pour la concentration de nos armées aucune mesure qui pût laisser croire à une intention de notre part de violer les territoires belges et luxembourgeois. Toutefois, dans le cas où les Allemands viendraient à violer eux-mêmes ces deux neutralités, et sous la réserve que le gouvernement français nous y autoriserait alors, nous devions nous mettre en mesure d'utiliser ces nouveaux champs de bataille.

Donc, l'incertitude la plus absolue planait à ce moment sur nos possibilités. Il nous suffisait donc, pour l'instant, de laisser se dérouler les premiers transports prévus dans notre plan qui correspondait justement à l'hypothèse de la non-violation de la Belgique du Luxembourg. D'ailleurs, les premiers transports de concentration ne devant commencer que le 6 août, il restait encore quatre jours pleins avant de prendre la décision de varianter la concentration et de remonter vers le nord l'aide gauche de notre dispositif.

Telles étaient mes dispositions d'esprit dans cette soirée du 1er août où nous apprîmes successivement que l'Italie avait déclaré à l'ambassadeur d'Allemagne qu'elle ne pourrait participer à la guerre, si elle survenait, en raison du caractère agressif qu'elle revêtait du fait de l'Allemagne et de l'Autriche, puis vers 23 heures, la déclaration de guerre de l'Allemagne à la Russie.

C'est à ce moment que je pris connaissance de la lettre dans laquelle le général Lanrezac m'exposait la manière dont il envisageait l'exécution de la mission qui lui était confiée en cas de guerre. Au milieu des événements de cette importante journée, cette lettre m'apparut hors de propos ; en effet, il était prématuré de discuter avec l'un des commandants d'armée d'une situation stratégique encore mal précisée. Après avoir admis comme probable l'éventualité où l'aile droite allemande serait orientée vers Sedan, le général Lanrezac étudiait le cas où celle-ci marcherait sur Givet et plus au nord. Dans ce cas, "il est