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modifications a notre concentration

évidente infériorité numérique et l'initiative des opérations que nus laissions de propos délibéré à l'adversaire. Elle avait en outre l'inconvénient de transporter, dès le début, la guerre en territoire français ; elle ne correspondait ni à nos traditions guerrières ni à notre tempérament national si prompt à s'alarmer aux premiers revers ; elle portait encore l'empreinte de la défaite, malgré les efforts que la République avait faits depuis quarante ans pour assurer sa sécurité.

Enfin, elle ne tenait nul compte de l'éventualité en somme vraisemblable où les Allemands reprendraient le plan du vieux Moltke : offensive immédiate contre les Russes pour en venir à bout avant que ces derniers n'aient terminé leur mobilisation, en combinaison avec une défensive agressive temporaire vis-à-vis de la France.

Toutes ces considérations m'amenèrent à rechercher les modifications qu'il serait possible d'apporter à notre concentration.

Tout d'abord, était-il possible de diminuer l'inégalité d'effectifs qui nous condamnait à la défensive initiale ? On pouvait y parvenir, me semblait-il, en utilisant mieux nos unités de réserve et en modifiant la répartition générale du front français. Face à l'Italie, le plan maintenait au début les deux corps d'armée des Alpes (14e et 15e), les éléments devant constituer le 21e corps, et quatre divisions de réserve. Or, l'Italie avait présentement une grande partie de ses forces de terre et de mer occupées à la conquête de la Tripolitaine ou engagées dans la guerre contre la Turquie. On pouvait donc, sans risque grave, diminuer les forces affectées à l'armée des Alpes et prévoir le transport des 14e et 15e corps vers le nord-est, dans les mêmes conditions que les autres corps d'armée.

En ce qui concerne les divisions de réserve, il apparaissait que l'ostracisme dont elle étaient l'objet était exagéré et qu'il serait possible d'en fait état dans les combinaisons de manœuvre de l'armée de première ligne, et par conséquent de les rapprocher immédiatement du front de bataille. De cette manière, on pouvait porter à cinquante-