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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/41

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mémoires du maréchal joffre

Sans doute le général Langlois releva tout ce qu'avaient de spécieux de telles théories ; il montra que les événements de la guerre sud-africaine avaient été étudiés sous un faux jour et, que, d'un cas particulier, on avait conclu à des règles générales ; non, les fronts n'étaient pas inviolables, à condition d'avoir en un point donné une supériorité de feux capable de dominer l'adversaire. Enfin, il proclamait l'éternité du principe napoléonien : "La guerre est un acte de force. En stratégie, il faut rechercher la bataille et la vouloir de toute son énergie."

La guerre russo-japonaise vint apporter une éclatante confirmation aux paroles du général Langlois. A l'École supérieure de guerre, sous la direction des Foch, des Lanrezac, des Bourderiat, toute la jeune élite intellectuelle d'alors se débarrassa de toute la phraséologie qui avait bouleversé le monde militaire et revint à une conception saine des conditions générales de la guerre.

En même temps, vers ces années 1905, un mouvement se dessina contre la solidité que nous prêtions à la fortification permanente : les progrès de l'armement semblaient diminuer sa force de résistance, tandis qu'augmentait la valeur de la fortification de campagne, dont Russes et Japonais venaient de faire un si large emploi. On reprochait d'autre part à nos forteresses d'absorber une trop grande partie de nos troupes. Et on se mit à déclasser un grand nombre de places et de forts, que l'on mit en deuxième et troisième catégorie.

Cette défaveur dans laquelle tomba la fortification permanente, jointe à la réaction amenée par les théories issues de la guerre anglo-boër produisit dans ce que j'appellerai la "Jeune Armée", à la suite de ses brillants directeurs de la conscience, un courant d'idées qui recherchait, dans l'action même des troupes de campagne, la défense du pays que la fortification ne paraissait plus capable d'assurer.

Mais, comme il arrive chaque fois qu'il s'agit de remonter un courant d'idées établi, on en vint dans ces milieux à une exagération de la doctrine offensive. On